En balade sur le site internet de la BCU, et sur les mini-sites des sections, on peut désespérer s’émerveiller devant l’épouvantable la formidable diversité des conditions de prêt, reflet dramatique magique de l’inexistence la prise de conscience, encore peu développée, du sentiment d’appartenance à un réseau documentaire. C’est inouï exquis.
Quatre critères se chargent de démultiplier les situations et probabilités d’assaisonnement desdites conditions :
- le type de lecteur
- la nature du document
- la durée du prêt
- le nombre de documents empruntables (que certaines sections précisent bien comme « maximum », surtout ne vous sentez pas obligés d’en prendre autant, n’abusez pas de votre droit [de prêt])
Prenons-les un par un et cuisinons-les (même si toutes les conditions ne sont pas explicitées, pour toutes les sections, sur les sites en ligne) :
Le type de lecteur :
22 catégories différentes, qui se recoupent parfois, se spécialisent à outrance, fonctionnent sur un système « deux poids deux mesures » parfois à peine déguisé (un étudiant en licence peut en moyenne emprunter deux fois moins et deux fois moins longtemps qu’un enseignant-chercheur) même si de vénérables esprits rappelleront que leurs pratiques de lecture ne sont pas les mêmes ; on retrouve les classiques distinctions entre Licence, Master, Doctorants, Enseignants-chercheurs, lecteurs extérieurs, mais aussi de plus exotiques découpages, comme les 3 premières années de sage-femme, mais la 4e est à part, la licence orthoptie, les PACES et autres DFGSM2, les praticiens professionnels, les praticiens professionnels en formation continue, personnel BIATOSS, personnel des universités (et peut-être du PRES bientôt ?), lecteurs de Clermont Communauté et un très comique « Etudiants » qui visiblement ne recoupe pas les niveaux LMD (mais qui sont-ils ?!).
La nature du document :
11 types différents, permettant une méticuleuse délimitation de la documentation, avec une case pour chacun et chacun dans une case (mais jusqu’où va la pertinence de cette segmentation ?) ; si l’on suit la typologie, les livres (oui, c’est une catégorie!) n’ont rien à faire avec les revues qui n’ont rien à voir avec un ouvrage de concours, qui lui-même ne voudrait pas être mélangé à des ECN (ouvrages pour l’examen classant national en médecine, donc concours aussi), qui se moquent des codes juridiques, ceux-ci dédaignant les manuels, eux-mêmes ne rentrant pas en contact avec les DVD, qui ignorent royalement le support multimédia, isolé du CD-Rom, qui ne comprend pas la thèse qui méprise le mémoire.
La durée du prêt :
8 durées, de 2 jours à 4 semaines renouvelable une fois, soit 8 semaines ; c’est presque trop simple …
Le nombre de documents empruntables :
de 1 à illimité avec un éventail de 14 possibilités : 1 document, 2 documents, 3, 4, 5, 6, 8, 10, 12, 15, 27, 30, 32 documents, et nombre de documents illimité.
Dans une conjoncture où les statistiques de prêt chutent rapidement et de façon continue, à une période où les pratiques des lecteurs ont déjà basculé massivement vers la documentation en ligne, est-il justifiable de maintenir une limite de quantité de documents par emprunteur ? Le mythe effrayant du lecteur-pilleur, venant avec sa hotte emprunter des dizaines de documents pour empêcher les autres (les bibliothécaires ?) de les utiliser, serait-il ancré dans l’inconscient collectif de la profession ?
Mais peut-être ergotons-nous, et est-ce tout à fait naturel de conserver secrètement les clés de compréhension de la politique de prêt. Regardons ce qui se pratique dans d’autres BU de l’hexagone (selon leur site internet) :
- SCD Lyon 2 : la différenciation se fait par le type de lecteur ; il n’y a pas de différenciation par type de document, sauf concernant des ouvrages de concours et des ouvrages considérés comme « très demandés » (ces deux catégories pourraient d’ailleurs elles aussi se rejoindre) ;
- SICD Grenoble 1 : idem en plus simple encore avec 3 types de lecteurs seulement: étudiants en licence/ étudiants en master, doctorants, capes, agreg, EC, extérieurs/ lecteurs extérieurs Rhône-Alpes hors Grenoble ;
- SCD Nantes : idem, avec un raffinement trop poussé dans la catégorisation des lecteurs (mais il n’est plus tenu compte des types de documents et les durées sont peu nombreuses) ;
- SCD Rennes 1 : 6 types de lecteurs : L, M, D, EC, enseignants du secondaire, autres lecteurs, avec des durées de prêt regroupées ;
- SCD Rennes 2 : plus compliqué, beaucoup de documents exclus du prêt, moins d’homogénéité dans les types de lecteurs (licence, licence pro, master, doctorant, concours, EC, autres lecteurs) ;
- SCD Lille 3 : 4 catégories de lecteurs : licence et assimilés, master et assimilés, doctorat et assimilés, EC et assimilés ; à chaque type correspondent un nombre de documents et une durée ;
- SCD Lyon 3 : 6 catégories de lecteurs, valeur élevée pour une BU uniquement SHS ;
- SCD Marseille 2 : 4 catégories de lecteurs, 3 types de documents (généraux, à rotation rapide, exclus du prêt mais empruntables pendant les périodes de fermeture) ;
- BIU Montpellier : 7 catégories de lecteurs (dont 3 qui ne diffèrent que par le tarif de la carte), emprunts plus ou moins unifiés sur tout le réseau (avec une belle exception : la médecine où la catégorisation est pléthorique) ;
Dans les cas cités ci-dessus, les documents sont empruntables sans distinction de type (avec des exceptions toutefois très ciblées).
- SCD Toulouse 2 : 2 catégories de lecteurs : étudiants/personnels/autres lecteurs ET EC/Ater de l’université de Toulouse ; 5 à 6 catégories de documents, trois durées ;
- SCD Paris 6 en médecine : complexité du prêt pour le nombre documents, mais il n’y a que deux durées de prêt dans lesquelles entrent toutes les catégories de lecteurs (du praticien-professeur au CHU à l’étudiant en DCEM), qui sont au nombre de 8.
Que retirer de tout cela ?
D’abord, il ne semble pas très pertinent de maintenir une aussi grande diversité de situations, sinon au niveau du réseau, du moins dans chaque section. Cela entraîne une grande confusion, et les pratiques des usagers tendent vers une moindre utilisation du papier. Il serait donc dommage d’empêcher par des règles trop restrictives l’emprunt de ces documents. La gestion du SIGB en serait également simplifiée.
Il est indéniable que certains types de documents sont très convoités (ECN, codes, ouvrages de concours par exemple). Aussi peut-on penser à concentrer la réflexion sur ceux-ci tout en simplifiant par ailleurs les règles régissant l’emprunt des autres types de documents.
Il est indéniable également que certains types de lecteurs empruntent plus que d’autres. En même temps, est-ce une raison suffisante pour limiter les autres lecteurs et créer un système « deux poids deux mesures » ? Rappelons notamment que les habitudes des Licence ne tendent pas vers l’utilisation de la documentation des bibliothèques, il n’est pas nécessaire de les décourager davantage.
Si l’on peut suggérer certaines idées, on pourrait proposer de :
- tendre vers la suppression des limites du nombre de documents empruntables, comme c’est déjà le cas dans certaines sections ;
- abandonner la catégorisation par type de document ;
- se concentrer sur un seul critère pour hiérarchiser les droits de prêt, afin de clarifier pour tout un chacun les catégorisations tout en les simplifiant.